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"On ose à peine rappeler
qu'un tableau est un spectacle mis en scène, mis en ordre, par un peintre.
Edmond Hänni a choisi de vivre dans un village du sud de la France. Le
voici donc arpentant (mesurant) le paysage " réel ", observant à l'état
brut la rivière, l'arbre, la terre, la maison suspendue dans les rochers.
Il va faire coïncider ce monde, visible par tous, avec l'autre monde qui,
de couleurs et de formes est le sien. Les aquarelles, les dessins exécutés
sur le motif apparaissent dans l'atelier : documents d'explorateur, notes
de voyage - et c'est aussi vrai quand Hänni revient du champ d'à côté
que lorsqu'il rentre d'un séjour en Italie, en Espagne ou en Tunisie (l'aventure
commence par le même geste de la main au-dessus de la feuille de papier).
Les recherches déjà suggérées dans les aquarelles et les dessins se développent
à présent sur la toile, écran blanc situé entre le peintre et son œuvre
et qui devient le lieu d'une lente alchimie. On pourrait penser que l'artiste
déforme la nature alors que c'est tout le contraire : de la nature, il
modifie certains éléments pour lui donner une forme plus juste selon sa
vision picturale. Il la décante il la purifie. Les plages colorées s'organisent
à présent avec souplesse dans l'architecture du tableau et peuvent transmettre
leur message : aux rochers répondent nécessairement les nuages ; des terres
roses, beiges ou grises ondulent comme les vagues ; tout à coup c'est,
en automne, un arbre, une vigne qui éclatent de rouge, ou encore le bleu
caché au fond du lit de la rivière qui joue à être vert. Autant d'épisodes
formels patiemment élaborés par Edmond Hänni pour captiver le regard du
spectateur."
Claude
Verdier, 1990
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